under your spell

feat Neron & Discors ✖️

Vingt-trois heures quarante.
La journée aura été longue.
Hymir n’est pas tendre.

« Es-tu certaine de ne pas vouloir que je reste ? Ou voire d’aller faire un tour à la fête ? Je suis sûr que tu trouverais le moyen de t’y détendre et peut-être même de— » stop. « Prends un peu de temps pour toi. Je ne vais rien faire d’autre de passionnant que me reposer. » les nuits sont assez courtes et perturbées ces derniers temps et la fatigue s’accumule bien vite. « Bien. Très bien. Je repasserai pour véri— » « Non. Tu ne repasseras pas pour la simple et bonne raison que tout ira bien. Je vais juste dormir, Endymion, je ne pars pas à la guerre. Que veux-tu qu’il m’arrive chez Hymir ? Je ne suis plus une enfant. » il marmonne et tourne les sabots. « On se retrouve demain matin, alors. Prends soin de toi, Esfir. » un geste entendu de la main, une tendresse et le voilà qui s’envole.

Je fixe l’horizon quelques secondes durant et finis par décrocher.
La toilette. Quatre gouttes pures de laudanum. Le sommeil.


***

Une heure trente-cinq du matin.

Parfois, la nuit nous trahit.

Cauchemar.

« Non... » « Tu n’as pas le droit... »

tic, tac. tic, tac. tic, tac. tic, tac.

Que sont ces bruits ?
Quelle heure est-il ?

L’atmosphère se fait lourde à présent.
Qui est là ?

Tressaillement des joues. Mirettes qui s’ouvrent sans ambages sur deux mauvaises sensations ; oppression et dissociation. Vague de pensées noires et peur qui prend aux tripes. Quelqu’un respire à côté de moi, expirations sifflantes. « (...) Esfir... » terreur soudaine et adynamie : cette voix glaciale vient de prononcer mon prénom. Tu n’es pas réel. Les jambes ne répondent pas. Impossible de remuer le moindre petit doigt. Bougez ! La panique laisse place à une légère suffocation ; compression de la poitrine. « J’imagine qu'à (...) reconnu cette (...) qui m’accompagne (...) du temps. Symbolique (...) » des vocables sans logique aucune qui s’enchaînent et résonnent au ralenti. Confusion. Ce n’est pas la voix d’Endymion. Impossible de parler, de crier. Encore. Vertige. Nausées. Modification de la perception visuelle ; vue réduite et floutée sur les bords : il y a comme un focus au centre. Sueurs. Il faut que je me lève sinon je vais— Je veux tousser, mais même ça, je n’y parviens pas. « N’embrume pas (...) toute interaction (...) docile (...) » pupilles dilatées qui roulent de tous côtés, comme cherchant une issue. Mon cœur s’emballe à tout rompre. Acouphènes.

Boum boum, Baboum baboum.
Boum boum, Baboum baboum.
Boum boum, Baboum baboum.

Et puis, il y a... lui. Cette présence.

Les paupières s’étirent un peu plus, laissant entrevoir de grands yeux couleur océan à la lueur de la flamme qui danse. Tu n’es pas réel. « (...) en paix (...) danger (...) quelque peu (...) » tu n’existes pas. Étourdissements. Fourmillements. « Tu n’es... » un murmure à peine audible. « ...pas réel... » je ne sais comment j’y parviens, mais un rire nerveux s’échappe de la commissure de mes lèvres. Tu n’es que le fruit de mon imagination débordante, de ces crises nocturnes ; rien d’autre. Corps qui frémit. Je suis juste en plein délire. Tout au plus, un mauvais rêve. « Tu n’existes... pas... Jörg... » au même instant, ma dépouille — originellement déjà un peu hors du lit, un bras et une jambe pendants — glisse du mobilier et cogne brûtalement le sol.

Boum !

Quoi de plus revigorant que de sentir la fraîcheur assassine du parquet ? La couverture en soie ne suit que très sommairement le mouvement et dévoile le dos jusqu’au commencement de la chute de reins — la poitrine, quant à elle, se trouve compressée entre le poids du corps et le plancher. Désorientation. Le bout de mes doigts effleure inconsciemment la surface boisée avant même qu’un gémissement plaintif ne se fasse entendre. Quel cauchemar.

« ... »

Mes pensées ne sont pas claires. Parler demeure compliqué.
Exténuation inquiètante.
État douteux.
État second.

Me voici aux pieds de cette « chose » que nous nommerons Jörg, tête sur le côté — en direction de la porte. Lui. Eux. Mon pouls fait à nouveau des siennes. Quelque chose ne colle pas. Pourquoi est-ce que je ne me réveille pas ? Cette chute n’est-elle vraiment qu’imaginée ? Des deux joues enflammées — non par gêne, mais à cause de soudaines bouffées de chaleur —, il me semble que l’une d’elles repose sur tout autre chose, sur une surface beaucoup plus irritable : une chaussure. C’est... trop réel. Vertiges. Autre rire nerveux. « Tu ne... me fais pas... peur. » je tente de me redresser, ne parvenant finalement que très brièvement à ramper en direction de l’entrée, l’étoffe violacée continuant de glisser. « Tu n’es pas là et lui... » mes yeux se fixent tant bien que mal sur la seconde présence visiblement adossée à la porte. « ... non plus. » enfin je crois.

Découverte.

Nue comme un ver. (Elle a fière allure, la Protectrice.)
Les cheveux en cascade s’étendent de part et d’autre.
Infiniment féminine.

« Sors de... mon esprit. » un chuchotis qui s’apparente presque à une supplication. « ... » nausée. Que... se passe-t-il ? C’est dramatique. A nouveau bien incapable de bouger ; groggy.

La vision se floute un peu plus encore. Est-ce dû au laudanum ?
J’ai froid.

Entre rêve et réalité : je vais finir par virer folle.
non mais je rêve ! je te vois là devant moi, qu’attends-tu de moi ?